Le jour où j'ai marché dans la mangrove
TRANSKARUKERA EN GUADELOUPE
20 km / Juillet 2016
En m'y inscrivant, je pensais bien que ce "trail de la Canne" au programme de la Transkarukera en Guadeloupe allait avoir quelque chose d'unique. Prendre le départ d'une course sur son lieu de villégiature est déjà en soi quelque chose d'exceptionnel... Alors en plus, lorsqu'il s'agit de partager un événement qui réunit à peine plus de de 100 coureurs sur 5 courses ! Au début je n'avais pas bien tilté sur le faible nombre de participants. Un bon indice pourtant pour qualifier la difficulté de ces trails rugueux dans la forêt tropicale, dont la version la plus longue (136 km et 9 500 m de D+) n'ouvrira ses bras qu'à 7 finishers : Luca Papi (team Waa) et Véronique Chastel (team Hoka) s'octroyant les 1ere et 2ème place au scratch d'un long périple qui les conduira de Basse Terre, au sud-ouest de la Guadeloupe, aux Abymes, sur l'autre pan de l'île en forme de papillon. Les deux semaines précédant le départ des 20 km de la Canne, je goûte aux joies de la course à pied dans la chaleur humide... Car en plein mois de juillet, ici, il fait 27 °C dès le petit matin. Inutile de chercher à être coquette : on transpire dès les premières foulées et il serait bien imprudent de partir sans une petite poche à eau... Lors de mes premiers footings avec Sergio dans les traces grasses des champs de canne à sucre, je peste en décrottant mes runnings où la terre s'empile en couches successives, tel un pan bagnat. Eh oui, bienvenue dans la saison des pluies ! S'il fait beau la journée surtout en Grande Terre, la nuit, les éléments s'en donnent à coeur joie et imposent leur propre rythme.

Coup d'envoi dans la chaleur tropicale
La quarantaine de coureurs qui prend le départ de ce petit trail est un peu comme moi : beaucoup de vacanciers venus découvrir "autrement" les secrets de la Guadeloupe et quelques coureurs locaux, bien sûr, comme Frédérique Vieuvel, entraîneuse hors stade à l'Aiglon du Lamentin en Martinique. Je croiserai le grand sourire de cette marathonienne pendant la course, à la sortie d'un fossé : "Allez viens ma chérie, je vais t'aider ! Tu sais par où on va ?". Un tout petit groupe de coureurs donc sur la ligne de départ. Ce qui n'empêche pas un briefing rigoureux orchestré par le directeur de course, Gérard Augusty. Ce dimanche après-midi, à 16h, il fait encore chaud à souhait quand nous nous élançons sur ce parcours entre routes, chemins de campagne et traces en forêt. Soyez-en étonnés, mais l'ensemble de la balade est juste vallonné. Point de dénivelé pour ce trail découverte, dont la principale difficulté sera... la traversée d'une zone de mangrove. Dès le 3ème kilomètre, tous les coureurs attendent ce passage mystérieux. En course, un chemin de terre rouge laisse la place à un tapis herbeux... Au moment où j'espère apercevoir un étang ou un bord de mer, vlan ! Me voilà clouée au sol ! Tel Bip Bip ou Coyote, mon corps fait un arc de cercle et je me rattrape sur les mains, de la boue jusqu'aux cuisses. Petit coup de stress, je me demande si mes deux pieds vont ressortir chaussés. C'est donc ça, le fameux passage de mangrove ! Jusqu'où mon corps va-t-il s'enfoncer ? Je me pose cette question encore une dizaine de minutes tout au long de cette micro-épopée qui nous conduit dans une forêt de palétuviers puissants, digne d'Indiana Jones. Le coureur devant moi, le pauvre, choisit bien malgré lui le tracé le plus marécageux. Les palettes en bois installées par l'organisation peinent à survivre aux pluies abondantes des derniers jours...
Et hop, je saute dans un kayak !

J'essaie de me remettre de mes émotions. Mon cœur est monté assez haut et j'ai les baskets pleines de flotte ! Il y a encore 15 bornes à tirer, alors essayons de ne pas trop traîner. En route ! Splotch, splotch me répondent mes runnings. Il fait toujours bien chaud, mais le stress de la mangrove retombe peu à peu. C'est déjà ça ! Certains coureurs ont trouvé le parcours trop urbain. Il est vrai que nous avons longé pendant quelques kilomètres la nationale 1 après le ravitaillement à Baie-Mahault. Réjouissons-nous, nous avons pu mettre la gomme ! Pour ma part, je me rappelle surtout des sentiers qui témoignent du visage rural de la Guadeloupe avec la présence de la canne à sucre, des vaches créoles et des hérons pique-culs. L'autre surprise de ce trail nous tombe dessus vers le 15ème km : la traversée en kayak d'un bras de la rivière salée. Un moment un peu folklo qui m'amène à faire équipe avec Frédérique. Après quelques coups de pagaie de travers, nous parvenons à accoster de l'autre côté du rivage. Adorables, les bénévoles nous crient d'abandonner le canoé, de balancer nos gilets de sauvetage et de... ben courir, quoi ! On pénètre dans la forêt tropicale par une toute petite trace qui paraît juste taillée pour le passage d'un homme. On est entourés de lianes et de fougères arborescentes. C'est très poétique même si je manque de tomber une fois ou deux sur des racines... Et parfois me demande si je suis sur le bon chemin. Sortie de cet univers, la commune des Abymes est toute proche. Je remonte un ou deux coureurs sur une bande de terre pendant que le soleil décline. Gérard Augusty veille aux abords du stade et nous encourage dans la dernière petite bosse. Je déboule sur la piste. C'est joyeux de retrouver Ysée et Sergio au son du gwoka ! Côté chronos, les temps s'échelonnent d'1h29 à 3h46. Je finis pour ma part en 2h22, en 19ème position sur 34 coureurs.