Bruno Heubi ou l'art de la conjugaison
100 km - Rencontre avec Bruno Heubi, champion du monde de 100 km par équipe en 2000 et 2001
Même si vous n'êtes pas un spécialiste de la course à pied, vous avez sans doute entendu parler de Bruno Heubi. Professeur agrégé d'EPS à une époque où l'on ne gagnait pas encore sa vie comme athlète de haut niveau, ce spécialiste de l'ultrafond s'est distingué à l’échelle internationale à de nombreuses reprises sur 100 km. Champion du monde par équipe de la discipline en 2000 et en 2001, il remporte également les 100 km de Millau en 2005. Voilà pour la revue rapide des médailles. Aujourd'hui, tout en faisant un peu partie de notre patrimoine sportif, Bruno Heubi continue d'occuper le devant de la scène en s'imposant comme un coach de renom. S'il a entraîné des pointures comme Pascal Fetizon et Laurence Klein, le savoir-faire subtil de ce professionnel du running s'adapte aux coureurs amateurs comme vous ou moi pour les aider à atteindre leur objectif du moment. Bruno Heubi anime en effet des stages au CREPS de Reims pour les coureurs de tous niveaux. « Un bon mécanicien doit être capable de régler une Ferrari comme une deux chevaux ! » souligne-t-il avec humour.
Sur les traces de Spiridon

Comme tous les coureurs, Bruno Heubi, habitué des interviews, aime raconter des histoires. Comme celle de sa paire de New Balance achetée pour son premier marathon dans les années 80. Des runnings sommaires, style Stan Smith, faites pourtant sur mesure à partir du dessin de son pied tracé sur une feuille de papier. « A l’époque on n’avait pas de tenue spécifique, ni de boissons isotoniques. On avalait des pastilles de sel… On faisait un peu n’importe quoi ! ». Mais au-delà de ce plaisir de la narration, il y a de manière évidente le plaisir fou d’être un coureur et de pouvoir partager cette discipline avec le plus grand nombre : « Lorsque je fais mon footing le long de la voie verte à Reims, je croise désormais des coureurs toute l’année. Des gens de tous les âges courent ensemble. Ca me touche énormément ! ». Car, dans la veine de la revue « Spiridon » qui démocratisera la course hors stade à partir des années 70, Bruno Heubi, 56 ans, fera partie des premiers coureurs à oser sortir du stade. « Moi, le pur produit de l’athlétisme, spécialiste du 1 500 m, on me disait perdu pour ce sport… ». Après le premier marathon, pour lequel il improvise son entraînement, vient rapidement le choc de l’ultrafond : « En 1979, nous sommes allés encourager un ami qui courait le 100 km de Migennes dans l’Yonne. J’ai vraiment percuté l’ultra de plein fouet ! Cet univers de conquérants de l’impossible me parlait ». Pour autant, ce n’est qu’en 1996 qu’il fera sa « première traversée de l’Atlantique ». A Rognonas près d’Avignon, celui qui pensait terrasser la course en 9h, passera la ligne d’arrivée après 7h50 d’effort... seulement. Son meilleur temps sur l’épreuve, 6h51, il l’atteindra en 1999 lors des championnats du monde par équipe. Un an plus tard, ce sera au tour de Pascal Fetizon d’être couronné aux championnats du monde en individuel, coaché par Bruno Heubi, avec un temps de référence : 6h23.
Ne pas brûler les étapes
Il y aurait encore beaucoup à dire sur le cheminement croisé de Bruno Heubi. Enseignant – « parce que ta richesse, ce ne sont pas tes jambes, mais ton cerveau » lui disait son Papa –, il oriente progressivement sa carrière vers le coaching et contribue largement à l’évolution des entraînements mis en œuvre dans les stades. La méthode Heubi s’appuie ainsi tout autant sur le travail de vitesse maximale aérobie et l’allure spécifique de course - deux notions bien connues des runners - que sur celui de l’endurance aérobie. « Elle correspond à un indice d’endurance, fonction de la durée de l’effort et de votre VMA ». Une valeur incontournable à toucher du doigt pour développer son aptitude à courir longtemps à la même vitesse. Alors quels conseils pour qui souhaite se lancer dans la préparation d’un 100 km ? « N’importe qui peut courir une telle course… A partir du moment où il en a l’envie et s’en donne les moyens. Malgré tout, il est important de ne pas brûler les étapes et de se rappeler que toute performance repose sur une règle de « trois » : les qualités physiques, la capacité à s’entraîner et la volonté ! ». Et pour cela, il n’y a pas d’âge comme le rappelle l’exemple de Bruno Heubi, victorieux des 100 km de Millau à 45 ans.