Luca Papi, le lion de la TransGranCanaria
ULTRA-TRAIL - Rencontre avec Luca Papi, vainqueur 2017 de la TransGranCanaria 360°

Initialement, il voulait s’envoyer les 265 km et 16 500 m D+ de la TransGranCanaria 360°, qui allait permettre à une centaine de coureurs chevronnés de faire le tour de l’île de Grande Canarie, avant de repartir le soir même pour le second ultra au programme de la TransGrancanaria : 125 km quand même, juste histoire de partager la course avec des copains et d’être à nouveau finisher d’une belle et grande aventure… Concrètement, Luca Papi arrivera main dans la main avec son compatriote Peter Kienzl, en tête de course. Les deux Italiens se partageant la victoire de la première édition d’un trail hors normes en 56 heures et 58 minutes.
Les hommes se sont retrouvés à 20 km du finish. « Avec ma tenue jaune (de l’équipementier WAA ndlr), Peter m’a vu arriver de loin. Moi, je ne savais pas trop à combien de temps de lui je me situais. Il m’a croisé, car il venait de se perdre. Je lui ai demandé comment il envisageait de finir la course. Au coude à coude ou ensemble… On a discuté, puis on a fait quelques selfies. Et voilà ! » commente tout simplement Luca Papi. « J’ai gagné un ami » ajoute-t-il sur son compte Facebook. Arrivé plus éprouvé que ce qu’il imaginait, le traileur à la grande chevelure rock and roll remettra raisonnablement l’enchaînement dont il rêvait à l’année prochaine pour mieux savourer sa victoire.
Un trail sauvage
Parmi les courses proposées par la TransGranCanaria, la 360° occupe une place à part. Pour participer à ce trail en semi-autonomie, en plus d’une bonne paire de jambes, les participants doivent emporter une tente légère et de l’argent pour pouvoir se restaurer régulièrement dans les villages traversés. Aucune assistance n’est autorisée en dehors des bases de vie. Mais les concurrents, dans la mesure où ils passent commandent et paient eux-mêmes, peuvent compléter leur ravitaillement en savourant un « pollo asado » ou une glace à l’eau comme l’a fait Luca Papi. Le parcours ne comporte pas de balisage. Juste une trace GPS fournie par l’organisation. Elle aura donné du fil à retordre à certains traileurs. Le malheureux Christophe le Saux en sait quelque chose : perdu dans un canyon à seulement 20 km de l’arrivée, il sera héliporté et encaissera une disqualification.
Sur ce format de course, « le but était avant tout de se faire plaisir et de découvrir les paysages de l’île. D’ailleurs, je ne soupçonnais pas autant de beauté avec la présence de cascades et de sentiers très sauvages ». Après avoir écumé les 150 premiers km de la course aux côtés de l’Italienne Annemarie Gross (1ère femme en 65h30), Luca Papi décide « d’accélérer un petit peu pour voir ce que cela donne ». A Santa Maria de Guia, il est alors en 8ème position. Il poursuit sa remontée jusqu’à Teror au nord de Grande Canarie pour s’installer à la 4ème place. « Je rejoins Christophe le Saux alors 3ème. Je l’ai senti un peu fatigué. On s’est arrêtés un moment ce qui m’a permis de descendre dans les tours avant de repartir ». Jusqu’au 250ème kilomètre, Luca Papi court beaucoup. « Sur ce genre d’épreuve, on a tous mal partout. Mais on continue d’avancer au mental. Et ça fonctionne. Je n’ai dormi que deux fois 5 mn pendant toute l’épreuve ».
Au final, le traileur fait la différence en remportant ex-æquo une course singulière, dans la veine de la Transkarukera en Guadeloupe gagnée en 2016. « Ces deux courses sont plus des défis que des trails… J’avoue que j’adore ! C’est sur ce type de compétition que je m’exprime le mieux. Mais ce n’est pas du tout comparable à une course comme l’Ultra Trail du Mont Blanc. Là, il faut chercher son chemin… La progression peut être très difficile. Sur la « Transka » au niveau du « Nez cassé », j’ai pu mettre 45 mn pour faire 1 km. Un coureur non préparé à ce genre d’expérience prendrait la fuite ! ».
Courir en liberté
De retour en région parisienne où il vit avec sa petite amie Céline, toujours au rendez-vous sur les courses, Luca Papi, 37 ans, a déjà repris le travail au parc d’attractions Disney où il officie comme opérateur. Il a également remis le couvert côté course : « un décrassage de 2h avec un copain » indique celui qui sera à nouveau au départ d’un trail d’une trentaine de km ce week-end à Auffargis, dans les Yvelines. « Je cours tout le temps à vrai dire » dit-il sans en faire des tonnes. « Lorsque je me sens un peu fatigué, je réduis un peu le volume, car le repos fait partie de l’entraînement. Mais c’est tout ». Être pris en main par un entraîneur ? Impensable pour cet animal libre qui veut évoluer à sa guise : « un coach me demanderait sûrement de moins courir ! ».
Luca Papi est tombé dans la course à pied à la fin de l’année 2010 un peu par hasard. Alors pompier volontaire, il prend le départ du semi-marathon de Paris avec ses collègues… « Ca m’a plu ! Alors, j’ai enchaîné avec le cross du Mont-Blanc six mois plus tard, puis le trail des Aiguilles rouges et l’ultra des Templiers la même année. Je lisais des articles à gauche et à droite et m’inscrivais aussitôt sur des courses que je ne connaissais pas du tout ! ». Depuis, l’Italien au large sourire enchaîne les compétitions comme autant « de belles excuses pour découvrir le monde ». En 38ème position au classement du prestigieux Ultra Trail World Tour en 2016, Luca Papi promet de faire des étincelles cette nouvelle saison grâce à son appétit et sa générosité. Son agenda est d’ailleurs ponctué de grands rendez-vous, dont le marathon des Sables au Maroc ou encore la Diagonale des Fous à la Réunion. Animo, Luca !