Intensément Nathalie Mauclair
ULTRA-TRAIL - Rencontre avec Nathalie Mauclair, 2ème femme au Marathon des Sables 2017, membre de l’équipe de France de trail
Désert du Sahara au Maroc pendant le Marathon des Sables 2017. Il est 13h. Il fait près de 50 °C et même si l’étape du jour a éprouvé l’organisme avec près de 4h de course dans les dunes – pour certains concurrents, elle durera 12h – la loi du bivouac s’impose à nouveau : il est temps de faire place nette sous la toile de tente en faisant la chasse aux cailloux qui risqueraient de troubler cette nuit un sommeil précieux. C’est aussi le moment de ramasser du bois pour chauffer tout à l’heure le repas. Dans cette course par étapes de 250 km en autosuffisance alimentaire, « les tâches du bivouac font partie de la compétition ! Cela représente aussi un défi personnel » commente Nathalie Mauclair. Pour cette étoile française du trail, championne du monde en 2013 et 2015 et membre de l’équipe de France de la discipline, vivre et courir, c’est un peu la même chose : un art qu’il faut investir tout son soûl parce qu’il est si éphémère ! Alors Nathalie Mauclair, 46 ans, rappelle volontiers son petit rituel sur le MDS auquel elle a participé cette année pour la seconde fois : « le soir, l’organisation distribue à l’ensemble des coureurs les mails adressés par la famille, les amis, les fans… C’est ainsi que je reçois des nouvelles de mon mari et de mes enfants. En général, je prends connaissance du message et je fais un petit bisou à ce morceau de papier… ». Dans la fraîcheur du petit matin, 10 °C pas plus, il est temps de s’en séparer. Chaque gramme compte dans le sac de 6,5 kilos que transporte l’athlète pendant la course : « je ne prends même pas de téléphone ».
Cet été, la Hard Rock 100 aux Etats-Unis

Au bout de l’épreuve et de ses 23h et 36 mn d’effort, il y aura une seconde place au classement féminin et une 13ème au général, à une poignée de minutes de la Suédoise Elisabet Barnes, membre tout comme la Française de la dream team Raidlight. Analysant à tête reposée sa course, Nathalie Mauclair sait que la seconde étape du Marathon des Sables lui a coûté cher : « Je me suis sentie moins bien. Peut-être n’ai-je pas bu assez tôt. Toujours est-il que j’ai fini à un quart d’heure d’Elisabet. Pour un coureur d’ultra, l’important n’est pas tant de bien gérer les moments où l’on est bien, que ceux où l’on est plus fragile ». Dix jours sont passés depuis le Marathon des Sables. Nathalie Mauclair est prête pour repartir à l’entraînement : six séances de course à pied par semaine croisées avec du vélo et de la natation, le tout orchestré par le coach Philippe Propage. Pour mieux se consacrer au trail, elle a par ailleurs décidé de mettre en suspens son activité professionnelle de cadre de santé d’ici l’été. Un choix fait avec le cœur : « je sens que j’ai atteint mes limites en matière d’organisation. Et puis, la course à pied pour moi à ce niveau, cela va durer encore deux-trois ans. J’ai envie de profiter pleinement de cette expérience ». L’athlète est tombée dans le trail il y a tout juste sept ans après avoir découvert ses capacités hors-normes sur le marathon du Mont Saint-Michel en 2010 : elle bouclera l’épreuve en 2h54 raflant au passage le titre de championne de France de marathon en catégorie master. Cette année, cap est ainsi mis sur les mondiaux de trail en juin en Italie. Puis il y aura la mythique Hard Rock 100 en juillet aux Etats-Unis et la centaine de km de et les 6 000 m D+ de la CCC, l’une des cinq courses de l’Ultra Trail du Mont-Blanc. « Je cherche des courses qui soient des challenges sportifs et permettent de belles découvertes. Mais il est aussi important que je puisse emmener ma famille avec moi ». Nathalie Mauclair est maman de deux enfants de 14 et 10 ans. Et dans l’ombre de la coureuse, il y a également un époux, Franck Ravaud, passionnément dévoué à sa championne.
Marathon des Sables, dernier acte
« Il est vrai que le trail est un sport très égoïste ! Moi, je profite de grands moments d’évasion, perdue dans la nature, tandis que mon mari assure mon ravitaillement ». Sans doute fier et généreux, son conjoint n’en est pas moins un coureur redoutable, classé 25ème sur le 20 km du cross Ouest France en janvier dernier ! Ancien lanceur de javelot, il accompagne régulièrement Nathalie Mauclair pendant ses footings. Imaginez à nouveau : le Sahara du Marathon des Sables. Voilà, c’est le matin de la 4ème étape. Un morceau de bravoure de 86 km. Les coureurs amateurs prennent le départ les premiers. Puis, c’est au tour des élites de remonter le peloton en forme de serpentin. « Tout le monde nous encourage. C’est vraiment un moment fort de la course ! ». Malgré son engagement, la veille, Nathalie Mauclair a à nouveau cédé le pas à sa redoutable concurrente. Et puis, comme « rien n’est jamais complètement acquis ou perdu dans le sport », les rôles vont s’inverser : la traileuse s’impose lors de cette étape et remporte aussi la suivante. Pendant l’interview, Nathalie Mauclair me disait qu’elle était d’un naturel optimiste. Surtout, ne change pas de philosophie, cela te réussit si bien !
Crédits photos : Franck Ravaud