L'homme de coeur
ULTRA-TRAIL - Rencontre avec Sébastien Longearet, 9ème de l'Ultra Mountain national tour 2017
Avec une 104ème place au trail du Bourbon (111 km et 6 500 m D+) décrochée lors du dernier Grand Raid de la Réunion, le Portois Sébastien Longearet - 5ème cette année à l’Infernal trail 200 en 35h03 - rentre forcément déçu en Lorraine après un séjour express sur l’île : « J’ai suivi un mauvais balisage aux alentours du 35ème kilomètre… ». Une péripétie qui lui fera perdre trois heures après un début de course qui n’a rien eu de l’événement joyeux qu’il espérait : « nous avons attendu comme des lions en cage dans le stade de Cilaos. Et je n’ai vu qu’après coup qu’on ne pouvait pas se restaurer sur place, mais seulement à l’extérieur du site ». Pourtant, lorsqu’il a réalisé son erreur d’aiguillage pendant la course, il a « fait l’effort » comme il le raconte, encore brûlant de cette émotion. « Je me suis ressaisi. J’ai attaqué à nouveau pour remonter au classement. C’est le sport… Je n’ai pas été le seul à m’être perdu. Et puis comme ça, j’ai découvert un col que je n’aurais jamais parcouru ! ».
Boulot, trail, c'est les trois-huit

C’est en lisant régulièrement des portraits de Sébastien Longearet que j’ai eu envie de faire son portrait. Je me suis dit que derrière un bonhomme que la presse surnomme « l’ultra-taré », il devait y avoir bien autre chose qu’un coureur échevelé qui empile les ultras les uns après les autres… Il est pourtant vrai que Sébastien Longearet est tombé dans le trail tout récemment après avoir participé au semi-marathon du Grand Nancy en 2014 avec des collègues : « Vous êtes fous ! 21 km, c’est énorme ! ». Pourtant, cette première approche de la course le séduit… Tant et si bien qu’il teste ses capacités sur quelques trails dans les Vosges. Ca passe, alors pourquoi ne pas y aller franco : il s’envoie les 86 km du trail du Haut Koenigsbourg avant d’enchaîner une semaine après avec les 160 km de l’Infernal Trail des Vosges, « sans entraînement, que dalle » balance-t-il avec une franchise déconcertante.
Sébastien Longearet finit les deux courses bien sûr ! Il reconnaît avoir de la chance de récupérer vite et de ne se blesser que rarement. Et aussi d’avoir un passé de footballeur amateur de bon niveau : il a joué en division d’honneur à Jarville-la-Malgrange dans la banlieue de Nancy où il est né et a grandi. « Mon oncle jouait au foot et ça m’a donné envie. Mais quand on est gamin, tout le monde pratique ce sport ! ». Lui continuera à cultiver son habileté… et sa VMA jusqu’à 30 ans grâce à cette discipline, tout au long d’un début de vie d’adulte qui ne lui fera pas spécialement de cadeau. Electricien de formation, Sébastien Longearet fera son service militaire avant d’atterrir à l’usine Alsa de Ludres, puis de façonner patiemment un équilibre aujourd’hui entre un job de convoyeur de fonds et une seconde activité d’artisan dans le bâtiment. « C’est important d’avoir un boulot sûr, même si j’arrive souvent fatigué sur les courses, car je prends mon premier poste à 4h45 du matin » commente-t-il. A 39 ans, l’homme sait que son avenir ne sera pas fait que de course à pied et donne tout là aussi pour faire bouillir les marmites : celle du quotidien ; et celle des compétitions rêvées auxquelles il participe en finançant le plus souvent dossards et déplacements de sa poche.
Dans le top 10 de l'Ultra Mountain National Tour
Cette année aura été particulièrement dense pour Sébastien Longearet, qui a relevé le défi de finir toutes les courses de l’Ultra Mountain national tour (UMNT) piloté par l’ultra-traileur Antoine Guillon, multiple vainqueur de la Diagonale des Fous notamment. Ce challenge au caractère bien trempé l’a conduit de la Corse (Ultra trail di Corsica) aux Vosges (l’Infernal trail) en passant par le midi (l’Echappée belle) et la Réunion (le trail du Bourbon). Premier « finisher des finishers », il sera récompensé le 18 novembre prochain pour cette folle saison, ainsi que pour sa 9ème place au classement général de l’UMNT. Mais sans vouloir faire pleurer dans les chaumières, le Lorrain ne bénéficie pas aujourd’hui de la reconnaissance d’athlète qu’il mériterait. Sans doute faudrait-il démarcher les sponsors pour qu’ils lui ouvrent leurs portes... Pas toujours facile quand on tire un peu le diable par la queue et que l’on n’est pas un communicant né.
« Force et honneur » nous répondrait sûrement Sébastien en rappelant sa devise et avec elle de nombreux souvenirs somptueux, comme ce dîner après la TransMartinique en 2016 (153 km – 5 000 m D+), où Christophe Le Saux, le traileur globe-trotteur, lui a remis son trophée pour saluer son parcours aussi fulgurant que discret. Franchement, je lui souhaite bonne chance pour la préparation de sa prochaine saison. Qu’elle soit faite de nombreuses invitations à de belles courses et bien plus encore !