La vie en grand !
ULTRA-TRAIL - Rencontre avec Emilie Lecomte, 3ème de l’Ultra Trail World Tour 2017
C’est une compétitrice redoutable. Pure et dure avec elle-même. Regardez son interview sur la ligne d’arrivée de la dernière édition de la Diagonale des Fous. Elle est la seconde femme au classement général (elle passe la ligne d’arrivée après 29h et 2 mn d’une course de 165 km et 10 000 m D+). Mais on ne voit que sa déception : « J’ai pris une heure dans la vue sur mon propre temps en 2015 ! Par rapport à l’ampleur de ma préparation, je passe à côté de mon objectif perso et je n’ai pas su prendre de plaisir sur cette course décisive pour le classement de l’Ultra Trail World Tour ». Cette année, celle qui remporta le Grand Raid de la Réunion en 2009 et 2012, finit 3ème femme au classement très convoité de l’UTWT, derrière l’Espagnole Nuria Picas et la Suisse Andrea Huser. Alors, depuis octobre dernier, l’athlète a montré qu’elle en avait encore sous le pied en montant sur la plus haute marche du podium lors de la Maxi Race à Yangshuo en Chine. Un trail de fin de saison de 50 km et 2 600 M D+ avec en toile de fond les pics karstiques si poétiques de cette région, qu’elle a trouvé « sympa, glissant et humide ! » et que d’autres coureurs élites ont choisi de courir bien plus décontractés qu’elle.

Des heures de voiture aux heures d'entraînement
D’où vient la pugnacité d’Emilie Lecomte ? Je ne permettrais pas une analyse psycho-sociologique de cette immense coureuse, mais vous imagineriez-vous que cette athlète de 38 ans, aujourd’hui accompagnatrice en montagne, a eu une vie professionnelle de commerciale en région parisienne. Un quotidien marqué par « 70 000 bornes de voiture par an avec des horaires de malade ! » pour remplir son carnet de commandes. « Dans mon activité, j’étais très carriériste ! Quand j’ai commencé à m’intéresser au sport, les relations humaines sont devenues centrales. La vraie vie n’était pas là où je croyais. Mon métier d’aujourd’hui me permet de partager ».
Comme c’est souvent le cas dans les belles histoires, l’aventure avec le trail a débuté par un coup de foudre. On est en 2007. Emilie Lecomte découvre les raids avec son conjoint Franck. « J’aimais le côté retour aux sources de ce type de challenge. Cette discipline a été une véritable révélation pour moi et j’ai rapidement organisé ma vie autour de cette passion » explique-t-elle. La jeune femme découvre ses qualités de coureuse et ressent rapidement le besoin d’échapper à sa vie citadine. Une opportunité professionnelle lui permet de rejoindre les Alpes. Cap sur Annecy où elle s’est profondément rapprochée de la nature au point de gagner sa vie depuis deux ans comme accompagnatrice en montagne. « Je n’ai plus le même confort de vie, mais j’ai fait le choix d’un équilibre qui convient mieux à mon état d’esprit. Bien vivre pour moi, c’est avant tout mettre son corps en mouvement. Actuellement, j’ai ma petite entreprise qui me permet d’organiser des stages et d’intervenir pour d’autres prestataires. Quelque part, je suis toujours commerciale, sauf que je suis à la source du produit ! » dit-elle en rigolant. D’ailleurs, l’athlète décline son activité avec un bon sens de l’orientation puisqu’elle vient de valider une formation dans le domaine de la micronutrition et distille régulièrement ses conseils en la matière sur son blog (www.myraidunivers.com).
"Nous ne sommes pas des footballeurs"
Alors, la liberté au quotidien, rien de tel ? Emilie Lecomte parle volontiers du statut si imparfait des traileurs de haut niveau : « Nous ne sommes pas des footballeurs ! Le sponsoring est aujourd’hui loin d’être suffisant et permet juste d’être invité de temps à autre sur une course. Le trail à haut niveau, cela reste avant tout une démarche personnelle où l’on est obligé d’être multicasquette et de se débrouiller. C’est une spécificité bien française, car nous n’avons pas la culture du sport professionnel ». Le manque de reconnaissance du trail comme une discipline « bancable », beaucoup d’athlètes en font aujourd’hui les frais dans l’ombre tout en continuant de s’entraîner quotidiennement. Pour Emilie Lecomte, le volume d’entraînement peut monter jusqu’à 35 heures par semaine au pic de la préparation d’une échéance majeure.
Aujourd'hui, la coureuse s'investit auprès de la start-up « Unchain », en pleine levée de fonds ces jours-ci via la plateforme Kickstarter, et qui fait évoluer, en lien avec l’athlète, un nouveau système de laçage rapide qui pourrait bien faire parler de lui. Elle ne nous révélera rien en revanche de sa saison 2018 : « je regarde tranquillement ce qui se profile avant de faire mes choix ». Pour le moment, la saison de ski de fond est ouverte pour l’accompagnatrice de montagne.
Retrouvez l’actualité d’Emilie Lecomte et son offre de prestations comme accompagnatrice de montagne sur son blog www.myraidunivers.com