Camille Chaigneau trace sa route
100 KM - Rencontre avec la championne de France de 100 km -
Elle est blessée actuellement et prend tout juste la peine de maquiller son agacement d’une touche de philosophie. Ralentir, patienter, thésauriser… Très peu pour l’ultrafondeuse Camille Chaigneau ! L’athlète de 34 ans a signé une année 2021 aussi intense qu’exceptionnelle en remportant sa qualification pour les mondiaux de trail à l’issue de sa prestation aux Passerelles de Monteynard en juillet (2ème féminine sur le 42 km – 2 600 m D+ en 4h28) et un billet pour les championnats du monde de 100 km, après un titre de France remporté haut la main à Amiens en octobre. Sur cette épreuve, son chrono de 7h28 et 58 secondes la fait entrer par la grande porte au royaume des « centbornards ». « Camille est allée sur cette course au pied levé, sans préparation spécifique. Elle sortait tout juste du stage de trail avec l’équipe de France dans le Cantal et signe le meilleur temps mondial de l’année, ainsi que la seconde performance française après Laurence Klein en 2007 (ndlr : 7h26 et 44 secondes). Enfin, elle a fait sa course toute seule, sans accompagnateur. C’est un élément important » commente son entraîneur Philippe Propage.

Des boots aux baskets
Ainsi, Camille Chaigneau en a encore sous la semelle. Son idylle plutôt récente avec la course à pied le met d’ailleurs en évidence. Avant de faire tourner ses jambes, l’athlète dijonnaise a d’abord été une cavalière confirmée, fondue de saut d’obstacles. Sa passion la conduit à travailler quelque temps comme groom pour des cavaliers professionnels en Suisse et en Suède. Puis, elle met en sourdine un sport plutôt coûteux pour poursuivre ses études entre la France et l’Italie. Elle laisse donc tomber ses boots pour chausser des baskets. Comme pour beaucoup d’entre nous, le running, c’est alors juste histoire de s’entretenir… Mais elle tombe nez à nez avec ses qualités physiques. Des vacances dans les Landes en 2014 lui donnent l’occasion d’accrocher un dossard. Elle passe l’arche d’arrivée d’un premier 10 km en une quarantaine de minutes. Attirée par la compétition, elle se teste sur plusieurs distances et approfondit le marathon. 3h06… 2h52… 2h37. Le chrono fond… et l’entraînement se structure.
Avec l'équipe de France de trail
En 2020, sa rencontre avec Philippe Propage, le jeune ancien entraîneur de l’équipe de France de trail lui ouvre de larges horizons. La crise sanitaire passant par là, elle adapte son entraînement et enchaîne une saison de piste en lien avec le Dijon Université club, puis une saison de trail inattendue qui lui permet d’intégrer l’équipe de France. « Cette saison m’a beaucoup appris et m’a permis de découvrir une nouvelle discipline ! Mais au final, l’enchaînement de séances spécifiques à un niveau intense a sollicité mon organisme de façon inhabituelle et a ouvert sur une blessure » explique la coureuse qui après sa victoire aux derniers championnats de France de 100 km a fait son choix : « Je me réoriente vers la route et les formats longs. C’est là que je me sens dans mon élément. J’ai la chance d’avoir un organisme qui supporte bien l’effort ». Selon Philippe Propage, « Camille a une grosse fenêtre sur le 100 km. Elle est capable de garder longtemps des allures élevées. A Amiens, elle a été la plus rapide sur les cinq derniers kilomètres, hommes et femmes confondus. Ca laisse augurer des possibilités importantes ».
Des objectifs sur 100 km et marathon
Parallèlement au 100 km, Camille Chaigneau entend également s’investir sur la distance marathon pour améliorer son meilleur temps. Objectif 2h30 ! Ce sésame la rendrait sélectionnable pour les Jeux Olympiques de 2024. Malgré la concurrence d’athlètes plus jeunes, « l’objectif est atteignable » commente son coach. « Car Camille a toujours sorti de belles performances sans véritable préparation ». On peut compter sur le côté perfectionniste de l’athlète pour mettre du cœur à l’ouvrage. « Ma démarche est avant tout de continuer à progresser et de voir jusqu’où je peux aller. Mais j’aimerais aussi pouvoir m’entraîner dans de meilleures conditions comme les athlètes semi-professionnels ou professionnels ». Vétérinaire salariée dans une clinique à Dijon, Camille Chaigneau reconnaît travailler intensément. L’amplitude de ses journées professionnelles la conduit le plus souvent à s’entraîner le matin, dès 5h30. Blessure oblige, elle privilégie actuellement la natation. Mais en temps normal, elle court six jours sur sept. Et le week-end, c’est la routine des séances bi-quotidiennes : course et vélo. Ce rythme demande une discipline indéniable, mais colle avec le tempérament bien trempé de cette fille, que j’ai eu envie d’interviewer après avoir fait sa connaissance impromptue au marathon du Grand Ballon l’été dernier dans les Vosges. Enveloppée dans une couverture de survie, Camille n’en faisait pas des tonnes après sa victoire sur l’épreuve et sa 2ème place au scratch. Trophée et bouteille de bière à la main qu’elle venait de remporter, elle cherchait une voiture pour rejoindre le site du départ parce qu’elle crevait de froid. C’est là que j’ai découvert l’ovni. Philippe Propage sourit : « Je suis très chanceux comme entraîneur. C’est toujours surprenant de tomber sur des filles qui ont un potentiel énorme et qui ne l’avaient pas encore développé. C’est un atout génétique, Après, il faut beaucoup travailler… Mais, c’est quand même rare que mes athlètes n’aient pas envie de s’entraîner ! »